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Meirieu, un pédagogue médiatique

lundi 3 mai 2004, par PC

Sur les rayons « pédagogie » du Auchan culturel (FNAC) [1], à la lettre M, ne cherchez pas Makarenko, vous ne trouverez que les ouvrages nombreux de notre pédagogue de service : Meirieu.

Il est partout : chroniqueur non officiel du « MDSA » le mensuel pour les Dames des Salles d’Asile : le Monde de l’Education, dans Marianne il nous parle d’Illitch, il est bien à la grande braderie de Paris (comprendre le Salon de l’Education...), il a longtemps été la tête de proue des cahiers du vieux CRAB (comprendre CRAP, Cahier Réformiste Apolitique et Pédagogique) , directeur de l’INRP (méthode Chevènement : je viens, je fous le bordel et je démissionne), directeur de d’IUFM de Lyon (haut lieu du renouveau en matière de formation des maitres, non ? ah bon !) ... et bien sur comme il se doit dans le milieu médiatique : directeur de collection.

Nous ne souhaitons pas ici rejoindre le flot de la critique fielleuse qu’il attire, pédagogue contre républicain, apprentissage contre transmission, moderne contre classique. Comme dans bien des débats, cette polarisation binaire cache une idéologie commune et le rôle du pédagogue médiatique est de nous faire perdre des points de repère évidents (de nous mettre la gauche à droite ?). De la même façon, l’incessante référence que fait Meirieux aux grands pédagogues du siècle pour bien nous indiquer ce qu’il faut en retenir (de raisonnable et d’efficace) suit sans doute le même dessein.

A ce propos on s’étonnera du rapprochement entre l’ICEM et l’animal politique. Il y a une sorte de fascination entre ces vrais pédagogues que sont la plupart des militants Freinet et le pédagogue médiatique. Pourtant ce que reproche notre pédagogue médiatique à C. Freinet cen’est pas rien : la pédagogie de projet. Il pense que Freinet n’avait pas assez réfléchi à ...la division du travail ! Ben voyons, plus proche de Marx que des écolos de maintenant, le père Freinet avait sans doute un peu réfléchi à la question. Mais Meirieux est expert en retournement d’argument. Plus c’est gros et plus ça passe. En rapprochant formation et production Freinet pense s’attaquer à la division du travail (notamment dans des structures pluri-âges, détail qui échappe à notre pédagogue médiatique !) ; mais pas du tout : « et si la classe atelier c’était la division du travail..., à chacun selon ses capacités, chacun dans ses capacités et les incapables dans l’inactivité »  [2]. Bien sûr, pour ne froisser personne et surtout pas des Freinetistes idolâtres vénérant le maître plus que ses idées, le pédagogue médiatique s’empresse de reconnaître à Freinet une grandeur d’âme sans égal.

Le retournement d’argument est une habitude chez le pédagogue médiatique, c’est ainsi qu’avec la rigueur de raisonnement que l’on a pu déjà constater il peut nous expliquer sérieusement, sans sourciller (pas un seul poil de sa moustache n’indique alors une quelconque plaisanterie) que Bourdieu est un agent du libéralisme rampant... attention, démonstration :

La montée de cette pensée « libérale » correspond d’ailleurs, dans le même temps, à une revendication contre le caractère « reproductif » des inégalités sociales du système scolaire ; dans les quartiers populaires, les animateurs sociaux, les volontaires du soutien scolaire se lient fortement au familles pour faire appel des décisions de conseils classes, des orientations, pour critiquer les enseignants et leurs méthodes. Cette montée de la revendication sociale est certes plus manifeste, voire bruyante, dans les classes favorisées et dans la classe moyenne -très inquiète pour l’avenir des ses enfants-, mais elle est aussi très encouragées dans les classes défavorisées par un certain nombre de ceux qui ont adopté l’idéologie bourdieusienne et qui veulent briser la reproduction sociale.
 [3]. Que l’on constate les jeux autour de la carte scolaire passe encore, mais que des éducateurs (des gauchistes ?), se permettent d’éduquer les parents pauvres et faussent la règle implicite du jeu et on en appelle au libéralisme. Quelle rigueur !
On appréciera aussi le terme d’ « Idéologie » Bourdieusienne, quand on sait le combat qu’a mené Bourdieu contre toute forme d’idéologie. D’ailleurs la hargne anti-bourdieusienne, assez courante dans le milieu des pédagogues, se retrouve dans un autre texte où l’on peut constater là encore la profondeur de l’argumentation ; attention on s’accroche : 1/la critique scientifique de Bourdieu est tellement radicale qu’elle désespère les pédagogues (et non Billancourt ) 2/ d’ailleurs si elle est désespérante n’est-ce pas pour provoquer l’inertie, 3/ c’est à se demander si ce n’est pas l’intérêt de ces sociologues (Bourdieu en tête) de consolider le système pour qu’ils puissent tranquillement continuer à critiquer le système.
L’attaque semble puéril et pourtant : d’ailleurs, les deux étudiants [sociologues, comprendre Bourdieu Passeron] qui péroraient toujours ne semblaient pas avoir, dans de telles conditions, un si mauvais avenir... Et après tout, peut-être avaient-ils raison de ne pas tenir à le changer ? . [4]
Donc pour Meirieu, connaître le fonctionnement de façon objective du système éducatif n’est pas très important, même si on souhaite le changer, cela serait même suspect.

L’œuvre de Meirieu, elle, a révolutionné le monde de l’éducation : La pédagogie différenciée. Beaucoup plus complexe que la pensée de Bourdieu sur l’école, il s’agit de replacer l’apprenant au centre du dispositif avec une larme de métacognition, , un soupçon d’épanouissement de l’individu, une larme de travail d’équipe, une cuillère à soupe de contrat pour la motivation et le tour est joué...
Nous n’avons rien contre tous ces dispositifs mais de là à se revendiquer héritier de Freinet, Illitch ou de l’école de Barbiana il ne faut pas exagérer quand on vient du militantisme catho.


La taille des chevilles de notre pédagogue médiatique n’est pas notre préoccupation première, ce qui nous inquiète plus fortement c’est le mélange des genres, du bricolage didactique (il en faut) aux théories fumeuses en écartant au passage l’objectivité qui donnerait mauvaise conscience. Avec ce boubiboulga on peut construire une carrière mais on ne peut aider à une réflexion sur l’éducation. Le dernier livre entretien entre Darkos et notre pédagogue médiatique (participation de la France d’en haut de la pédago au débat sur l’école)en est la preuve criante.


[1Fédération Nationale des Auchan Culturels

[2Meirieu, L’école Mode d’emploi, ESF 1985

[3sous la direction de F. Dubet, école familles le malentendu, Philippe Meirieu, Vers un nouveau contrat parents-enseignants ?, Textuel 1997

[4Meirieu, L’école Mode d’emploi, ESF 1985

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